Découverte en 1960 chez le bovin et chez l’homme presque en même temps, la lactoferrine est principalement connue pour optimiser l’absorption du fer et pour empêcher les bactéries de proliférer en utilisant le fer. Dépourvue de toxicité, on ne cesse de lui découvrir de nouvelles applications, autant dans les troubles du quotidien que dans les maladies émergentes.
On vous a prescrit une supplémentation en fer et cela vous donne la diarrhée ? C’est peut-être à cause de votre microbiote ! Certaines bactéries peuvent détourner le fer pour proliférer. Résultat, vous avez le ventre en vrac et vous êtes toujours carencé. C’est d’autant plus vrai si vous souffrez d’une inflammation intestinale. C’est là tout l’intérêt de la lactoferrine (LF), un apport va optimiser la biodisponibilité du fer en court-circuitant les bactéries. La LF agit tel un garde du corps qui escorte le fer jusqu’à l’intérieur de la muqueuse, en lui évitant d’être capturé par les bactéries ou d’être dévoyé par une inflammation intestinale. Une fois entré dans le sang par la ferroportine, le fer est pris en charge par la transferrine.
Bien qu’abordée sous l’angle du complément alimentaire, la LF est d’abord une molécule endogène, c’est-à-dire produite par notre organisme. Elle connaît son heure de gloire dès le début de la vie. Présente en abondance dans le lait maternel et le colostrum, elle participe à la mise en place du microbiote et des défenses immunitaires. Elle permet un apport de fer au bébé sans l’exposer aux bactéries non symbiotiques, qui pourraient profiter de la fragilité d’un nouveau-né pour proliférer et l’infecter. L’efficacité de la LF est démontrée en prévention des septicémies nosocomiales chez les nouveau-nés prématurés. Même à l’âge adulte, elle continue de faire partie de la panoplie des molécules antimicrobiennes et immunomodulatrices que notre immunité déploie en réponse aux infections.
Malgré une alimentation saine et équilibrée, certaines personnes jouent de malchance. Le polymorphisme génétique, qui fait que nous exprimons nos protéines d’une manière plus ou moins adaptée, n’y est pas étranger. La lactoferrine produite par l’organisme est sujette à un polymorphisme qui, s’il est défavorable, la rendra peu efficace chez certains. D’où l’intérêt d’une supplémentation lorsque les épisodes infectieux sont fréquents.
Une activité antimicrobienne très large
Toutes les bactéries, aussi virulentes puissent-elles être, ont leur talon d’Achille. Le système enzymatique qui leur permet de se répliquer utilise le fer comme oligo-élément activateur. De nombreuses bactéries disposent de sidérophores, sorte d’épuisette qui leur permet de capturer le fer libre. Mais si ce fer leur est retiré, l’aventure s’arrête là pour les bactéries. Dans la septicémie abdominale polybactérienne, des études ont montré une efficacité des chélateurs du fer. Le premier mode d’action de la LF est bactériostatique, c’est-à-dire qu’elle bloque la croissance des colonies bactériennes en les privant du fer.
La LF peut s’attaquer directement aux bactéries, en allant au contact de leur surface. Sa principale approche est d’interférer avec les porines, canaux permettant les échanges ioniques indispensables chez les bactéries à Gram négatif. L’intégrité de la membrane s’en trouve affectée et la bactérie peut rapidement péricliter. Une autre approche est de venir se fixer sur certains récepteurs membranaires, ce qui empêche la bactérie de se nourrir.