Akkermansia Muciniphila bientôt en probiotique

La bactérie Akkermansia muciniphila bientôt disponible en probiotique

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Ce nouveau probiotique, qui devrait être commercialisé en 2022, ambitionne de s’attaquer à une crise sanitaire mondiale : celle du surpoids, dont la prévalence a triplé en quarante ans et qui concerne à présent environ 40% des adultes(1). De nombreux facteurs de risque cardiovasculaire y sont notamment associés.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de donner son feu vert à la commercialisation d’Akkermansia muciniphila dans sa version pasteurisée. Derrière l’arrivée de ce probiotique très attendu, on trouve A-Mansia Biotech, une société belge de biotechnologies fondée par les professeurs Willem de Vos et Patrice Cani qui détient cinq brevets sur cette bactérie et lui a consacré quinze ans de recherche.

Présente naturellement dans le microbiote intestinal humain, dans une proportion de 3 à 5 % dans un microbiote normal, A. muciniphila a été isolée pour la première fois en 2004 par le Dr Muriel Derrien dans le laboratoire du Pr Willem de Vos. Comme son nom le laisse deviner, elle vit dans le mucus intestinal, se nourrissant des mucines sécrétées par les cellules caliciformes. Une sécrétion réciproquement stimulée par la bactérie. Cette position aux premières loges de la muqueuse intestinale lui permet de communiquer très facilement avec nos cellules. A. muciniphila participe directement à la fonction barrière de l’intestin, notamment en stimulant la synthèse des jonctions serrées, les portes entre les cellules intestinales. Elle produit aussi des acides gras à chaîne courte (AGCC), carburant des cellules intestinales.

Le choix d’une bactérie inerte

A. muciniphila est une bactérie anaérobie stricte, c’est-à-dire qui se développe uniquement dans un milieu dépourvu d’oxygène. Le défi, à l’origine, était de modifier génétiquement A. muciniphila afin de lui permettre un séjour en gélule tout en conservant sa viabilité une fois absorbée. Mais certains mécanismes des probiotiques semblent ne pas dépendre de la viabilité des bactéries. S’il est admis que les probiotiques vivants sont plus efficaces que les probiotiques inertes, certaines études révèlent des exceptions.

Des travaux comparatifs sur modèle animal ont montré qu’A. muciniphila pasteurisée est au moins aussi efficace que la bactérie vivante, sur l’état de santé général, l’intégrité de la muqueuse intestinale, la réponse immunitaire, le métabolisme des lipides et la composition du microbiote. Aucun effet indésirable n’a été observé. La version pasteurisée montre même un effet plus prononcé sur l’amélioration des paramètres inflammatoires et la régulation de la fonction barrière.(2) Pour l’équipe d’A-Mansia Biotech, la pasteurisation d’A. muciniphila améliore les avantages et la stabilité du produit.

Passée l’étape des études d’innocuité sur l’homme et leur validation par l’EFSA, des études cliniques d’envergure vont pouvoir commencer, puis confirmer ou non l’intérêt de ce probiotique sur la santé humaine. D’ores et déjà, nous savons que la pasteurisation d’A. muciniphila augmente ses effets bénéfiques sur le métabolisme, tant chez la souris que chez l’homme.(3)

Obésité, diabète et bien plus encore

Akkermansia s’est fait connaître dans le domaine de l’obésité et du diabète. Les personnes qui en souffrent montrent généralement des taux très bas de la bactérie. La métagénomique des selles, à présent accessible à tout public, permet de connaître son taux. C’est un marqueur de prévention, puisqu’une association est établie entre des taux réduits d’Akkermansia et le risque d’obésité, de syndrome métabolique et de mauvaise réponse pondérale à la restriction calorique. La bactérie est connue pour participer aux mécanismes de la régulation de l’inflammation, du stockage des graisses, du métabolisme du glucose et de la dépense énergétique.

Notre bactérie à tout faire est aussi là où on ne l’attend pas. Comme dans l’atopie (terrain allergique), les troubles du spectre autistique, l’épilespsie où elle augmente l’efficacité du régime cétogène sur modèle animal, ou encore le cancer, où A. muciniphila est fortement représentée chez les patients qui présentent une meilleure réponse aux traitements.(4) Là encore, A. muciniphila pourrait devenir un biomarqueur crucial.

C’est pourtant logique, puisque toutes ces pathologies font intervenir les grandes fonctions métaboliques et bien entendu l’écosystème intestinal. La littérature scientifique mentionne A. muciniphila comme traitement potentiel des MICI, où elle améliore de matière notable l’inflammation intestinale. Les mécanismes d’action proposés sont la diminution des cytokines pro-inflammatoires, la production d’AGCC et l’inhibition de la prolifération des bactéries non-symbiotiques sur la muqueuse.(5) L’efficacité de la transplantation de microbiote fécal (TMF) dans le traitement des MICI est étroitement liée à l’augmentation de l’abondance d’A. muciniphila dans l’intestin des patients.

Références :

Dimitri Jacques

est psychonutritionniste libéral, journaliste scientifique et formateur en micronutrition. Élève du Pr Vincent Castronovo, il est l'auteur de plusieurs ouvrages de santé et se consacre à l'étude des relations entre esprit et biologie. Il est engagé auprès d'associations de prévention en santé mentale et de structures éducatives.

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