La césarienne, qu’elle soit indispensable ou non, n’est jamais sans conséquence. Elle est connue pour perturber la mise en place du microbiote intestinal du nouveau-né. Les conséquences sont, potentiellement, une immunité moins efficace et une prédisposition aux maladies inflammatoires chroniques. Mais ce n’est pas une fatalité : transfert de microbiote vaginal, probiotiques ou même allaitement semblent pouvoir inverser la vapeur.
La transmission des microorganismes de la mère à la progéniture est, chez les mammifères, le facteur le plus important pour la mise en place d’un microbiote équilibré. À la faveur de l’accouchement par voie basse, l’enfant reçoit les bactéries vaginales et fécales de la mère, qui vont ensuite coloniser progressivement son intestin et l’ensemble de ses muqueuses. Mais la césarienne le prive de cette possibilité. Il sera à la place directement et sans doute trop brutalement exposé aux bactéries de l’environnement, ce qui le prédispose à un risque accru de troubles immunitaires(2), en particulier les allergies et les infections respiratoires. En effet, l’éducation du système immunitaire, c’est-à-dire sa capacité à apprendre à reconnaître ce qui doit être combattu ou non et à le faire de manière graduelle et adaptée, dépend de l’équilibre et de la composition du microbiote.
De nombreuses études ont associé les maladies chroniques à un manque de diversité du microbiote. Mais des travaux de l’université Paris-Saclay à partir d’études animales, publiés dernièrement dans la revue Microbiome , mettent en évidence qu’après une césarienne, le microbiote de l’enfant semble au contraire se diversifier beaucoup trop rapidement. La muqueuse intestinale, excessivement stimulée par cette surexposition microbienne précoce, développe une propension aux phénomènes inflammatoires qui peuvent ensuite se propager à l’ensemble de l’organisme. Plus précisément, les cellules productrices de mucus sont perturbées dans leur fonctionnement. La qualité du mucus tapissant les parois du tube digestif est déterminante pour l’équilibre du microbiote, parce qu’il nourrit les bactéries résidentes et repousse les opportunistes.
Les probiotiques, la solution ?
Pour revenir brièvement à l’étude de Paris-Saclay, les chercheurs ont supplémenté des souriceaux nouveau-nés avec des lactobacilles. Chez la souris, ces bactéries indispensables à l’équilibre intestinal sont les plus affectées par la césarienne. La supplémentation a permis d’inverser la tendance à l’inflammation. Chez l’humain, un essai randomisé sur 30 nourrissons nés à terme par césarienne, supplémentés par voie orale dès la naissance avec un mélange probiotique (contenant Bifidobacterium longum, Lactobacillus acidophilus et Enterococcus faecalis) pendant deux semaines, montre une bonne colonisation de l’intestin. Des échantillons de selles ont été prélevés à la naissance, à 2 semaines et 42 jours après la naissance. Les probiotiques ont augmenté l’abondance de certaines bactéries bénéfiques, telles que celles des genres Bacteroides, Acinetobacter, Veillonella et Faecalibacterium .
Les symbiotiques, qui associent probiotiques et prébiotiques (fibres nourrissant les bonnes bactéries), offrent également des résultats intéressants en matière de réimplantation des bactéries infantiles. Les bifidobactéries sont censées être le premier genre de bactéries à s’implanter durablement dans l’intestin de l’enfant. Une supplémentation de la naissance à la 16e semaine, avec la souche Bifidobacterium breve M-16V associée à des fibres prébiotiques (fructo et galacto-oligosaccharides), a permis d’obtenir une proportion plus élevée de bifidobactéries, une réduction des entérobactéries et des taux plus élevés d’acides gras à chaîne courte. Ces derniers sont des métabolites produits par les bonnes bactéries qui servent de carburant aux cellules du côlon.
Enfin, une méta-analyse totalisant 1 193 nourrissons montre qu’une supplémentation en probiotiques ou en symbiotiques après une césarienne rapproche leur microbiote de celui des nourrissons nés par voie basse. Ce qui revient le plus souvent est l’augmentation significative des espèces bactériennes des genres Bifidobacterium et Lactobacillus, et la diminution des entérobactéries.
L’allaitement, une valeur sûre
Et si remettre rapidement nos bambins sur la voie de la santé passait simplement par l’allaitement ? La perturbation du microbiote intestinal infantile causée par la césarienne est partiellement restaurée par l’allaitement exclusif. Le lait maternel renferme en effet, entre autres choses, des substances connues pour favoriser l’implantation des bifidobactéries.
Autre bonne nouvelle : les probiotiques peuvent venir renforcer l’allaitement. Pris pendant la grossesse ou la lactation, des probiotiques et des symbiotiques améliorent le microbiote des enfants nés par césarienne. Les souches utilisées dans les études appartiennent aux genres Lactobacillus, Bifidobacterium, Propionibacterium etStreptococcus, avec des dosages qui varient entre 2 000 et 9 000 UFC par jour.
Certains probiotiques ont été combinés avec des galacto-oligosaccharides, des fructo-oligosaccharides ou des oligosaccharides. Là encore, le microbiote des nourrissons est devenu plus proche de celui des nouveau-nés des mères ayant accouché par voie basse par rapport aux groupes témoins, en particulier en ce qui concerne la colonisation par Bifidobacterium , souvent peu après la naissance. Des changements qui, dans la plupart des cas, semblent se maintenir dans le temps.