Cancer, la double peine ?

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maladireVéronique Voorneveld, mère de deux enfants, apprends à 44 ans que le cancer du sein s’est installé. Après le coup de massue de l’annonce de son cancer, elle se trouve presque punie de ne pas rentrer dans les schémas médicaux et les cases administratives qui vont désormais jalonner son quotidien. Aujourd’hui, elle retrace dans un livre son parcours du combattant et nous livre ses souffrances, ses attentes et ses colères, ses espoirs et joies inattendues aussi. L’auteur ironise sur le mot « patient » et ce qu’il emporte de résignation face à l’incohérence et le manque de sens donné au parcours de soin. L’occasion de faire le point sur une question de société.

Le manque de communication

« Ce clavaire passé sous silence, c’est toutes les questions sans réponse, les allers et retours chez les médecins qui se renvoient la primeur de telles ou telles pathologies, la confusion dans certains bilans, l’anonymat des entretiens ou le manque de coordination des soins. »

Voilà quelques mots de l’auteur. Tout au long de l’ouvrage, nous sommes aux côtés d’une femme qui a besoin de parler, d’échanger, de comprendre ce qui lui arrive et ce qu’on va lui faire. C’est une condition indispensable pour commencer à donner un sens à ce qu’elle vit. A tous les niveaux de notre société, on se plaint de la déshumanisation de services de plus en plus standardisés. Le milieu de la santé n’y fait pas exception. Or l’être humain est un animal social qui a besoin d’échanger avec ses semblables pour se construire ou se reconstruire. Et lorsque les maux cherchent à se mettre en mots, une relation unique et authentique devient urgente.

Mobiliser les ressources intérieures du patient

Au-delà des explications sur les protocoles de soins dans lesquelles elle se retrouve engagée, elle semble attendre le mot d’ordre pour faire face. Lorsqu’une personne est assommée par quelque chose qui dépasse ses capacités d’adaptation, il est normal qu’elle se tourne vers celui qui est supposé savoir. Les médecins ne sont pas des psys et n’ont pas la réponse à certains questionnements profonds du patient. Il est néanmoins de leur ressort de créer les conditions propices pour que celui-ci mobilise ses ressources propres et fasse émerger des réponses.

Entendre de la bouche de celui qui vous prend en charge que vous avez en vous les ressources nécessaires pour dépasser la maladie, n’est-ce pas primordial pour votre moral ? C’est plus favorable que laisser transpirer au travers du silence une condamnation sans appel, n’est-ce pas ? Cela va sceller entre le patient et le soignant une alliance indispensable à surmonter les obstacles à venir, et aussi à toujours garder à l’esprit la lumière au bout du tunnel, chose très improbable lorsqu’on se retrouve isolé. Le moral constitue un facteur que nous ne pouvons pas nous permettre de négliger, les incidences sur l’évolution de la maladie sont majeures. Pour le Docteur Thierry Janssen, spécialisé dans l’accompagnement psychologique des personnes atteintes de maladies lourdes, il est important que le patient puisse continuer à suivre sa petite voix intérieure.

Plusieurs études ont confirmé que les sentiments positifs aident nos défenses naturelles à éliminer les cellules corrompues. Une attitude positive permet de rétablir l’harmonie entre l’homme et son environnement, et cela se retrouve dans sa physiologie, la communication cellulaire se fait mieux, les échanges et les réactions son relancés. Ce postulat d’une connexion entre l’esprit et le système immunitaire est déjà utilisé en sophrologie, où l’on apprend à l’individu à s’autoconditionner pour se protéger et se débarrasser de ce qui perturbe son équilibre. Il est confirmé aujourd’hui en neurologie, nous savons que notre réseau neuronal est capable de se réorganiser en fonction des besoins que nous exprimons consciemment.

Les médecins peuvent-ils faire autrement ?

Le plus terrible peut-être, c’est de voir que de l’autre côté de la barrière, il a des médecins, plus nombreux que ce qu’on imagine, qui voudraient donner bien davantage mais sont paralysés par un système qui coupe tout ce qui dépasse. Comme un écho à ce « mal à dire » d’une patiente malmenée, je me rappelle du témoignage révolté du Docteur Nicole Delépine, à la tête d’un service d’oncologie pédiatrique, qui criait sa liberté de soigner. Pour avoir préféré prodiguer des soins individualisés plutôt que participer aux protocoles de recherche financés et imposés par l’industrie pharmaceutique, et qui peuvent aller à l’encontre de l’intérêt du patient, elle a été réduite à exercer dans l’ombre et dans une précarité scandaleuse. Il aura fallu que des familles de malades, déjà fortement éprouvées, se constituent en association pour faire valoir leur libre choix thérapeutique.

Replacer l’être humain au cœur des préoccupations

Une phrase qui sonnerait presque comme une lapalissade, tellement on s’imagine que la médecine se consacre à la personne et à sa santé. Véronique Voorneveld nous dit encore : « Les exploits de ce siècle montrent de telles avancée technologiques qu’il semble inconcevable que si peu d’énergie et de créativité soient mises en œuvre pour aider le malade dans son parcours de soins. »

Dans le domaine du cancer, nous n’en sommes qu’au traitement offensif et plus récemment aux campagnes de détection. De la véritable prévention, c’est-à-dire celle qui interroge notre mode de vie, l’essentiel reste à faire. A une époque qui se veut scientifique, peut-être un peu trop, c’est effectivement à peine croyable. L’épidémiologie met pourtant distinctement en avant le rôle de notre alimentation transformée et déséquilibrée, et notre mode de vie stressant et superficiel qui nous coupe de notre environnement.

Il est vrai qu’une telle entreprise risquerait de bousculer bien des éléments du paysage. Au-delà des intérêts mercantiles des uns et de la paresse intellectuelle des autres, un véritable prévention impliquerait que chacun remette en question les habitudes derrières lesquelles il s’est réfugié. La maladie nous force à abandonner nos illusions, et notre soudaine précarité devant la vie nous invite à la redécouvrir. Les dérives constatées ont été suscitées et encouragées par notre passivité face à notre propre santé. Un capital que chacun a la responsabilité exclusive de faire fructifier.

En orient depuis des millénaires, la médecine a pour rôle premier non pas de soigner mais d’assurer la santé. Dans la Chine antique, les médecins étaient payés tant que leurs patients étaient en bonne santé. On ne peut s’empêcher de sourire en pensant au sort des médecins aujourd’hui si un tel principe leur était appliqué. Le médecin a besoin de la maladie pour justifier son rôle. S’il ne trouve pas de dysfonctionnement évident, le patient sera vite renvoyé chez lui, considéré comme un malade imaginaire. Au-delà de ses états d’âmes, ce sont les ressentis du patient qui sont méprisés, des ressentis pourtant souvent confirmés dans sa biologie lorsqu’on se donne la peine de chercher.

Un système de santé qui ne s’occupe pas d’abord de la personne n’est pas un système de santé. Les gens ne veulent plus seulement cesser d’être malades, il veulent rester en bonne santé et attendent du corps médical une participation réelle pour les aider à tenir le cap.

Dimitri Jacques

est psychonutritionniste libéral, journaliste scientifique et formateur en micronutrition. Élève du Pr Vincent Castronovo, il est l'auteur de plusieurs ouvrages de santé et se consacre à l'étude des relations entre esprit et biologie. Il est engagé auprès d'associations de prévention en santé mentale et de structures éducatives.

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