Oui, le stress psychologique, lorsqu’il devient chronique, peut contribuer à la prise de poids, ou aux difficultés à en perdre. Au point que des chercheurs suggèrent que le stress devrait être évalué chez toute personne atteinte d’obésité. Plusieurs approches thérapeutiques, déjà connues pour réduire le stress, ont aussi montré une efficacité sur la perte de poids.
En temps normal, le stress augmente la glycogénolyse (transformation du glycogène en glucose par le foie), la néoglucogenèse (production de glucose à partir d’acides aminés) et la lipolyse (combustion des graisses), afin de nourrir les muscules et permettre à l’organisme de répondre au stress. Au passage, cela permet de brûler les excédents. Mais chez la personne obèse, on observe une suractivation du système nerveux sympathique, qui devient contre-productive. En cherchant à augmenter la dépense énergétique, cette suractivation entraîne une diminution de l’expression des récepteurs nerveux du tissu adipeux, réduisant la capacité à brûler les calories.1
En mode stress, on ne dépense pas, on stocke
Plus largement, on constate fréquemment dans l’obésité une dystonie neurovégétative, c’est-à-dire un déséquilibre des fonctions du système nerveux autonome et de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (AHHS). Cela impacte le métabolisme, favorise les troubles du comportement alimentaire et diminue de l’activité physique. On constate des phénomènes physiologiques comme la résistance à la leptine (hormone de la satiété) et une hausse de l’insuline (hormone qui régule le sucre dans le sang), facteurs de surpoids.
Les mécanismes du stress ne sont pas prévus pour s’enliser. Une activation prolongée de l’AHHS surstimule l’hypothalamus et par ricochet, l’hypophyse puis les glandes surrénales, avec à la clé une production excessive de cortisol. Cette hormone majeure du stress agit sur plusieurs leviers conduisant à la prise de poids : augmentation de l’appétit (avec hélas une attirance pour les aliments riches en sucre), du stockage des graisses abdominale, résistance à l’insuline qui dérègle la glycémie et favorise le stockage.
Dans la tête, ce n’est pas mieux. Dans un climat de stress, le circuit de la récompense, qui passe notamment par la dopamine, est déréglé. Les aliments hypercaloriques nous apparaissent plus attirants. Manger devient une stratégie pour compenser l’état de tension psychique. Par ailleurs, le stress chronique nuit à la qualité du sommeil, ce qui contribue au déséquilibre des hormones de régulation de la faim et de la satiété, augmente le risque de grignotage nocturne et réduit la motivation à pratiquer une activité physique.
Réciproquement, l’obésité aggrave le stress
L’excès de poids induit lui-même un dysfonctionnement du système nerveux autonome, qui peut être impliqué dans le syndrome métabolique (insulinorésistance, hypertension, dyslipidémie). L’obésité entraîne aussi une inflammation systémique de bas grade, via certaines cytokines connues pour perturber le fonctionnement du cerveau. Le cortex préfrontal et l’hippocampe, aires fortement impliquées dans la régulation du stress, sont particulièrement touchés.
Enfin, les personnes obèses sont souvent confrontées à une diminution de l’estime de soi, à des sentiments de honte, mais aussi à la stigmatisation sociale et la discrimination. Des facteurs fortement générateurs de stress, d’anxiété, parfois même de dépression. Le stress lié à l’obésité renforce les comportements alimentaires compulsifs visant à compenser les difficultés émotionnelles, c’est ce qu’on appelle « manger ses émotions ».
Briser le cercle vicieux entre stress et surpoids
Cette dimension vient s’intégrer dans une prise en charge plus vaste. En l’état actuel des connaissances et de l’expérience des praticiens, celle-ci inclue :
- Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) pour comprendre le fonctionnement de l’esprit, sortir de la culpabilisation et reprogrammer sa façon d’agir.
- La rééducation du comportement alimentaire (psychonutrition).
- La phytothérapie et la micronutrition pour corriger le terrain biologique et réguler l’activité nerveuse.
Sources :
est docteur en sciences de la nutrition, journaliste scientifique et psychonutritionniste libéral près d’Orléans.
Élève du Pr Vincent Castronovo, il est l’auteur de trois livres et se consacre à l’étude des relations entre esprit et biologie. Il est engagé auprès d’associations de prévention en santé mentale et de structures éducatives.