Acouphènes et thérapies psychocorporelles

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« Si l’acouphène a le plus souvent pour origine un traumatisme sonore, pourquoi néanmoins est-il capable de disparaître, puis de réapparaître dans un contexte de stress psychologique ? »

Jeudi 26 novembre 2015, la chambre syndicale des sophrologues était en congrès à Paris pour parler acouphènes, en présence de scientifiques, de médecins spécialistes et de personnes touchées par le trouble. Des évènements analogues ont déjà eu lieu mettant en avant l’hypnose, les thérapies cognitives ou la méditation pleine conscience. Les praticiens sont de plus en plus sollicités sur ce sujet, au point que des commissions de travail ont été créées. En quoi ces approches sont-elles utiles ?

Un acouphène est un signal auditif qui ne correspond à aucune stimulation sonore extérieure. C’est à ne pas confondre avec l’hallucination auditive, le fait par exemple d’entendre des voix lors de certains troubles psychiatriques. S’il existe une forte composante psychosomatique, des troubles mécaniques comme le bruxisme ou l’arthrose cervicale peuvent aussi conduire aux acouphènes. Ils peuvent survenir à n’importe quel âge, bien qu’ils apparaissent le plus souvent à la cinquantaine. On recense 170 000 cas par an en France.

Un problème de santé réel

L’acouphène est source de stress et le stress amplifie l’acouphène, focalisant l’attention sur ce dernier qui est alors perçu plus fort et plus gênant, comme une alarme qui sonne. C’est un cercle vicieux, la personne guette une aggravation qu’elle va finir par provoquer. Les conséquences sont celles de tout état d’alerte qui dure trop longtemps : une fatigue évoluant vers l’épuisement, des difficultés à se concentrer, des troubles du sommeil, en sachant qu’une personne en manque de sommeil sera évidemment plus sensible au stress. Viennent ensuite les troubles de l’humeur qui sont souvent le motif de consultation en psychothérapie. L’irritabilité, l’agressivité, le découragement conduisant à des états dépressifs tandis que la peur de perdre le contrôle conduit à l’anxiété.

Très souvent, les personnes acouphéniques se sentent incomprises, mal reconnues dans leur souffrance. Etre perturbé dans ses facultés auditives remet en question les rapports sociaux. L’entourage peut avoir du mal à en saisir l’importance. Au niveau médical et thérapeutique, c’est souvent le parcours du combattant. Pour 20% des personnes atteintes, l’acouphène sera vécu comme un véritable handicap. Ce qui signifie que 80% parviennent à le gérer et c’est possible pour tout le monde.

Une perception subjective qui peut évoluer

L’acouphénométrie permet une évaluation de la puissance de l’acouphène. Mais la perception de l’acouphène par la personne ne correspond pas nécessairement à ce qui est mesuré objectivement. Certains vont le vivre comme une simple gêne et l’évoquer avec beaucoup de détachement, tandis que d’autres expriment une souffrance omniprésente. Tout dépend de l’interprétation et de l’importance que chacun donne à son acouphène.

Si l’acouphène a le plus souvent pour origine un traumatisme sonore, pourquoi néanmoins est-il capable de disparaître, puis de réapparaître dans un contexte de stress psychologique ? Cela provient de notre cerveau qui associe les situations dangereuses ou désagréables aux stimuli enregistrés au même moment. Ainsi, la prochaine fois qu’il les perçoit, il nous place en état de vigilance accrue pour réagir rapidement au cas où le danger reviendrait. On comprend ici que notre sensibilité au stress et notre manière de le gérer va être déterminante face à un acouphène.

Plus la charge émotionnelle associée à un souvenir est forte, plus les éléments appréhendés simultanément par l’esprit vont être associés, au point que l’un ne peut plus apparaître sans l’autre. Par exemple, un bourdonnement d’oreille temporaire peut être entendu à la sortie d’un concert ou d’une boite de nuit. Si la soirée était heureuse, on n’y prêtera pas attendu et il disparaîtra rapidement, tandis que s’il s’est passé quelque chose de désagréable, il peut non seulement persister mais aussi ressurgir longtemps après, à l’occasion d’une situation stressante qui vient en réactiver la mémoire. Il n’y a plus alors de stimulus externe, il s’agit d’un état interne qui associe une expérience à une émotion, un choc émotionnel que l’esprit a encodé dans le corps.

La science a beaucoup appris depuis le début de ce siècle sur les processus de somatisation. Nous savons comment, sous l’effet du stress, nous produisons des hormones susceptibles d’impacter durablement le fonctionnement des organes. Des connexions neuronales peuvent être créées, il existe bien une réalité physiologique à un son qui n’existe pas à l’extérieur. Mais ces connexions ne sont pas irréversibles. Ce que l’esprit a créé, l’esprit peut le défaire.

Quelles sont justement les solutions proposées ?

Il est possible d’inverser la valeur émotionnelle de certains souvenirs, c’est une question de neuroplasticité. Des chercheurs sont récemment parvenus à modifier le comportement de souris, en activant l’empreinte émotionnelle associée au souvenir d’une situation qui n’était pas celle réellement vécue. C’est exactement ce qui se passe en sophrologie, en hypnose ou en programmation neurolinguistique, où la personne apprend à changer la coloration émotionnelle d’un souvenir en faisant varier les informations sensorielles associées à ce souvenir. En provoquant, en état de relaxation, un nouvel environnement sensoriel, une perception jusque-là associée à un souvenir désagréable devient associée à un souvenir agréable, même si ce dernier est imaginaire.

La première chose, comme face à toute pathologie du stress, est de renforcer la structure psychologique et aussi de retrouver une certaine conscience du corps. Il est indispensable de retrouver une base de confiance et d’estime de soi avant de chercher à modifier un comportement.

Ensuite, l’objectif n’est pas de supprimer l’acouphène mais de s’y habituer. Lorsque vous êtes hébergé chez quelqu’un, vous pouvez être dérangé par les bruits de fond du quotidien (ventilation, réfrigérateur, bruit des voisins, de la rue, etc.) tandis que chez vous, vous n’y prêtez plus attention parce que votre cerveau a cessé de les considérer comme une information importante.

Ce qui va intéresser le praticien n’est pas la cause de l’acouphène mais la façon dont la personne vit son acouphène. Il y a un état interne qui l’empêche d’accéder à une perception plus mesurée. On aide la personne à envisager d’autres points de vue, et il devient possible de corriger cette origine inconsciente, ce schéma qui est parti d’une bonne intention mais qui n’a plus lieu d’être. C’est le principe des thérapies cognitives qui apprennent à retrouver des automatismes sains et fonctionnels. Le traumatisme – et le stress qui s’ensuit – est quelque chose de très personnel. La façon dont nous le vivons, dont il nous impacte et dont nous le gardons en mémoire est complètement subjectif et ce qui est très intéressant, c’est que cette subjectivité est parfaitement objectivable par les sciences cognitives.

Dimitri Jacques

est psychonutritionniste libéral, journaliste scientifique et formateur en micronutrition. Élève du Pr Vincent Castronovo, il est l'auteur de plusieurs ouvrages de santé et se consacre à l'étude des relations entre esprit et biologie. Il est engagé auprès d'associations de prévention en santé mentale et de structures éducatives.

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